Concours photo Shah Marai : trois photographes afghans reçoivent leurs prix

Trois photographes afghans, lauréats de la première édition du concours photo Shah Marai, lancé par l'AFP en mémoire de son chef photographe à Kaboul décédé il y a un an dans un attentat-suicide, ont reçu vendredi 21 juin 2019 leur prix à Paris, souhaitant que ce concours "encourage" les photographes dans leur pays.  

 

Le premier prix a été remis à Farshad Usyan, 26 ans, photographe freelance originaire de Mazar-i-Sharif (nord de l'Afghanistan) et collaborateur de l'AFP, pour une série de 15 photos intitulée "Le Pacifiste".

On y voit le travail de pionnière d'une femme chauffeur de taxi en Afghanistan, une urne de bulletins de vote pour l'élection présidentielle transportée à dos d'âne à travers la montagne, un jeune couple à la Saint-Valentin dans un restaurant chic ou encore des Afghanes riant entre copines dans un cinéma 3D.

Ce médecin de formation, qui a grandi sous le régime taliban, a repris le métier de photographe de son frère décédé, qui travaillait également pour l'AFP, après un appel de Shah Marai, a-t-il raconté. 

"Quand j'ai commencé à prendre des photos, je ne connaissais rien aux appareils photo professionnels, je ne savais même pas comment les allumer et aujourd'hui, je suis ici et je suis le gagnant de ce prix...", a-t-il déclaré dans un grand sourire lors de la remise des prix du Concours photo Shah Marai, baptisé "Mon Afghanistan", au siège de l'AFP à Paris.
 

 

"Je veux remercier l'AFP pour ce prix Shah Marai. Ce prix va encourager les photographes afghans à travailler toujours davantage et mieux", a lancé Hoshang Hashimi, 30 ans, lauréat du 2e prix.

Ce photographe pigiste, originaire de Herat (ouest de l'Afghanistan), a notamment illustré les difficultés et les instants de tranquillité de la vie quotidienne, sous le titre "La vie des Afghans dans le conflit".

Parmi sa série récompensée et projetée lors de la cérémonie à Paris figurent des jeunes filles en plein entraînement d'arts martiaux, des artisans et paysans dans leur quotidien, des portraits d'enfants et d'hommes âgés. Des images sublimées par un très beau travail de clair-obscur.
 

 

Le 3e prix  a été remis à Mohammad Anwar Danishyar, 21 ans, freelance de Jalalabad (est de l'Afghanistan). Intitulée "Des briques au tableau noir", sa série raconte le terrible labeur des familles dépendantes des riches propriétaires de briquetteries à ciel ouvert, au milieu desquelles les enfants installent leurs salles de classe, quand ils n'y travaillent pas eux aussi.
 

 

- "Nous n'oublierons jamais" -
 

Le "jour noir" de la mort de Shah Marai "ne nous stoppera pas; nous continuerons à raconter le quotidien de notre pays et nous perpétuerons son travail", a lancé vendredi avec force M. Danishyar. "Nous n'oublierons jamais Marai". 

Shah Marai, 41 ans, et huit autres journalistes avaient été tués en avril 2018 à Kaboul, lors d'une seconde explosion survenue alors qu'ils s'étaient rendus sur les lieux d'un premier attentat.

Shah Marai cherchait à travers ses photos à rendre compte au monde entier de la société afghane dans tous ses aspects, au-delà des conflits, avec une grande humanité.

Père de six enfants, il travaillait pour l'AFP dans la capitale afghane depuis 1996 et en était devenu un pilier. Il a largement contribué à la couverture des événements lorsque l'Afghanistan était sous le régime taliban ainsi qu'au moment de l'invasion américaine de 2001 et de tous les rebondissements qui ont suivi.

Durant sa carrière, il a été battu et menacé par les talibans et a perdu plusieurs proches dans le conflit ravageant son pays, notamment son collègue et ami Sardar Ahmad, journaliste senior du bureau de l'AFP de Kaboul, abattu avec sa femme et deux de ses trois enfants lors d'une attaque revendiquée par les talibans en 2014.